Une soirée d’exception à l’Abbaye de Rhuys
Il y a quelques jours, deux grands artistes ont uni leurs talents pour offrir au public deux heures d’émotion dans ce lieu chargé d’histoire.
Le premier s’est illustré dans les films des plus grands réalisateurs : Orson Welles, François Truffaut, Louis Malle, Luis Buñuel et bien d’autres. Il fut aussi l’une des grandes figures de l’avant-garde théâtrale des années soixante comme interprète des œuvres de Samuel Beckett et de Marguerite Duras.
Le second est un pianiste et compositeur de renommée internationale, élève d’Aldo Ciccolini, de Pierre Barbizet et de György Cziffra, qui voyait en lui « un virtuose étonnant allié à un musicien aussi raffiné que profond. »
Ce lundi 14 août, le comédien Michael Lonsdale et le musicien Nicolas Celoro ont été les hôtes de l’Abbaye de Rhuys pour « Paroles d’amour à Tibhirine », un remarquable spectacle en duo inspiré du film « Des hommes et des dieux ». Dans cette œuvre du réalisateur Xavier Beauvois, Michael Lonsdale incarnait le Frère Luc, l’un des sept moines de Tibhirine enlevés et assassinés en 1996 par un groupe armé pendant la guerre civile algérienne. Une prestation d’acteur qui lui valut en 2011 le César du meilleur second rôle.
Ensemble, ils ont offert au public, venu en nombre à l’Abbaye pour l’occasion, deux heures d’une méditation poétique, spirituelle et musicale qui a inspiré à tous ferveur et recueillement. Michael Lonsdale a ouvert la soirée par la lecture d’un texte tiré du prologue de St Jean : « Au commencement était le verbe… » et la suite a confirmé que le verbe est bien le domaine d’excellence de ce grand acteur, sa voix feutrée se révélant un vecteur incomparable pour la force tranquille de la vérité et de l’amour. Une force qui s’est dégagée de sa lecture des textes splendides de l’évangile selon St Jean, de sœur Emmanuelle, de Dom Bernardo Olivera ou du frère Luc. Si le comédien a parfaitement maîtrisé le verbe, il a su aussi faire parler les silences et laisser toute sa place au jeu limpide de Nicolas Celoro, qui s’est exprimé tant dans ses propres compositions que dans des pièces pour piano de Franz Liszt, notamment le célèbre « Rêve d’amour » du compositeur hongrois.
Cette soirée émouvante, conclue par un dialogue avec le public, est venue clore le programme estival de l’Abbaye de Rhuys, qui a accueilli en juillet et août une série de concerts, spectacles et conférences qui ont été appréciés tant des habitants de la Presqu’île que des visiteurs de passage. On a pu y entendre, notamment, la soprano Sabine Revault d’Allonnes et la pianiste Stéphanie Humeau dans un « Bestiaire musical » qui a offert des mélodies et pièces de Bizet, Chopin, Debussy et d’autres grands compositeurs. On y a aussi revisité en musique la vie et le message du frère Charles de Foucault, dans un spectacle mis en scène par Francesco Agnello et joué par l’acteur Gérard Rouzier.
Du côté des conférences, la programmation a été tout aussi riche, avec une intervention du prêtre et psychanalyste Jean-François Noël – qui a exploré le lien entre thérapie psychanalytique et accompagnement spirituel – et une rencontre-dialogue avec le Dr Jacques Vigne, psychiatre et spécialiste de l’Inde, sur le thème « Dépression et spiritualité ». Enfin, Mgr Michael Fitzgerald, président émérite du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, a donné une conférence intitulée « Pour comprendre l’islam : une approche spirituelle. » Un thème qui, on l’a constaté ces derniers temps, est plus que jamais à l’ordre du jour.
C’est ainsi, dans une fructueuse synergie entre les expressions artistiques et les témoignages de sagesse et d’inspiration, à la lumière des valeurs d’humanité et de fraternité et au plus près des grands sujets d’actualité, que l’équipe de l’Abbaye de Rhuys entend prolonger cette série estivale. Elle proposera prochainement de nouveaux événements, qui prendront la forme de concerts, conférences, débats et réflexions sur les grands sujets de société et les questions culturelles et spirituelles auxquelles doit répondre le monde d’aujourd’hui. Pour leur donner une résonance optimale, l’Abbaye s’est dotée il y a quelques mois d’une toute nouvelle salle – l’Espace Louise-Élisabeth – qui offre une remarquable acoustique et des équipements de haut niveau. Gageons que le public continuera à s’y presser nombreux, attiré tant par la qualité de la programmation que par l’atmosphère et la beauté des lieux.
article de Philippe GAILLARD